Le « delire cosmique » de Melenchon peut-il freiner l’obsolescence programmee des meetings ?

February 12, 2022

Presente tel « immersif et olfactif », le soir meeting de Jean-Luc Melenchon, qui s’est tenu le 16 janvier soir a Nantes, a prouve une nouvelle fois la capacite du leader une France insoumise (FI) a avoir un coup d’avance sur ses concurrents dans la mise en spectacle de sa campagne.

Mais le deploiement de dispositifs technologiques n’est-il jamais enfin contre-productif ?

Ce pourrait etre le dernier transhumaniste a Notre mode en pleine conference TED. Debout au c?ur d’la foule, il designe une planete, qui se deploie dans un somptueux panorama a 360 degres au milieu de notre galaxie. Le spectacle est enchanteur, les etoiles semblent penetrer la salle. On voudrait profiter eternellement « du silence eternel de ces espaces infinis » mais le tribun laisse peu de place a toute forme de meditation pascalienne. Il nous parle de Gutenberg, de Gagarine, de l’espace au-dela des biotopes, celui que nous avait predit des le XVIe siecle le dominicain Giordano Bruno. Cet espace depuis lequel nous pourrions, enfin, embrasser notre humaine condition, par-dela toutes les cases identitaires dans lesquelles « d’autres » (suivez mon regard) souhaiteraient nous enfermer.

Cet homme, c’est le candidat d’une France Insoumise a l’election presidentielle 2022, Jean-Luc Melenchon, au cours du meeting « immersif et olfactif » organise par ses equipes de campagnes a Nantes, le 16 janvier janvier dernier. Je n’y etais gui?re, je ne peux donc malheureusement nullement vous penser, chers lecteurs, quelle odeur a l’espace (et pourtant, il semblerait qu’il en ait une ! ), mais j’ai fait part des quelques dizaines de milliers de personnes rivees devant la retransmission en direct de l’evenement concernant YouTube.

On doit reconnaitre a Jean-Luc Melenchon un certain art d’la mise en scene, et une capacite assez impressionnante a faire evoluer celui-ci aux gre des evolutions technologiques. Peut-etre avez-vous i  nouveau en memoire, tel moi, les faux hologrammes ayant permis, en avril 2017, au candidat d’organiser 1 meeting simultanement dans sept villes diverses. Autres moment, autres m?urs : cinq annees plus tard, les hologrammes sont quelque peu old school, alors place a l’odorama et a la technologie ScreenX. Une technologie un brin foireuse – on sent d’ailleurs le candidat legerement depasse avec le dispositif cosmico-immersif dans lequel c’est plonge mais, je trouve, vous devez lui reconnaitre le merite de tenter d’innover. Et surtout, de continuer d’y croire.

Est-ce que l’effort tech paie ?

Mais de croire en quoi, exactement ? A l’effort de campagne. Eh oui, cette notion qui ne parai®t gui?re avoir survecu a la pandemie ou a la deliquescence de une personnel politique (les deux options se tiennent). « Ils paraissent rares Di?s lors », me confiait recemment le journaliste et essayiste Laurent-David Samama (qui collabore regulierement a Usbek & Rica) dans le cadre de notre conversation WhatsApp “Call Pol”. Melenchon et ses equipes, je peux en temoigner, croient fort fort aux dynamiques, au retournement de l’opinion grace a toutes les meetings ».

Neanmoins, est-ce que l’effort paie ? C’est la question que je ne pouvais m’empecher de me poser en regardant votre meeting. Et j’ai compris ce qui n’allait jamais justement : je regardais le meeting, je ne l’ecoutais jamais. Tout au plus etais-je vaguement amusee avec l’immersion proposee, prise malgre moi dans une mecanique d’entertainment face a votre gadgetisation high tech d’la campagne. J’ecris pourtant pour un media prospectif, je constitue donc – au moins sur le papier – J’ai cible ideale face a ce genre de dispositif. J’aurais d’ailleurs meme pu titrer votre edito : « Enfin, le turfu s’invite dans la campagne ! » Et pourtant alt com application rencontre, j’ai ete beaucoup plus emue via le chant feministe inaugurant le « spectacle » que par les dispositifs immersifs spectaculaires scandant le propos de Jean-Luc Melenchon. Bref, par un simple filet de voix, terriblement humain, deroulant J’ai misere une condition feminine.

Quelques heures apres, mon mari ex-trotskiste (aparte : avez-vous remarque qu’il n’y a plus que des « ex » chez les trotskistes ?) me contait avec melancolie des meetings de Lutte Ouvriere ou du NPA auxquels il avait pu participer. « Il y avait ce style fascinant », me disait-il : on est en 2017–2018, mais ils chantaient l’Internationale, a capella, a Notre fin de chaque meeting. Comme un seul homme, toute la salle d’la Mutualite se levait et chantait ca a beaucoup poumon. J’avais l’impression d’etre en 1968. Les gens y croyaient. Ils s’accrochaient. Di?s que tu ressortais du meeting apres votre moment-la, il y avait quelque chose qui s’etait produit. Une fai§on d’emulation qu’on ne retrouvera jamais avec les meetings diffuses sur YouTube ou i  propos des chaines d’info. »