Femmes battues : le requisitoire poignant d’un avocat general en colere

July 18, 2022

Luc Fremiot est avocat general.

Ca fera environ dix annees qu’il se bat contre les violences conjugales. Voici le requisitoire. Pour Alexandra Guillemin, ainsi, Afin de l’ensemble de ses « soeurs ».

L’histoire arrive par les mots tres bien choisis de Pascale Robert-Diard : la journaliste au Monde relate ici une affaire judiciaire, triste, morne, a l’image une misere sociale puis affective dans laquelle elle nait.

« Ce proces vous depasse parce que derriere vous, il y a toutes ces dames qui vivent la meme chose que vous. Qui guettent les ombres de la nuit, le bruit des nullement qui un fera comprendre que c’est l’heure ou le danger rentre a domicile. Mes enfants qui filent dans la chambre et la mere qui va dans la cuisine, qui fera comme si bien est normal et qui sait que tout a l’heure, la violence explosera. » Les mots de l’avocat general Luc Fremiot se veulent le reflet d’une verite generale. Car derriere le proces d’Alexandra Guillemin qui possi?de lieu ce vendredi 23 mars, c’est l’honneur de l’ensemble de ces dames battues qui se profile.

Legitime defense

Alexandra Guillemin, 32 ans, comparaissait l’annee derniere, concernant le meurtre de son mari, Marcelino. « Un soir de juin 2009, dans la cuisine de leur appartement a Douai, une telle maman de quatre enfants a dit a le mari qu’elle voulait le quitter. Cela a explose de fureur, a cherche a l’etrangler, elle a saisi un couteau de cuisine. J’ai plaie au cou https://www.datingmentor.org/fr/lgbt-fr mesurait 13,5 cm de profondeur. Il semble fond sur finir, « dans une mare de sang », dit le proces-verbal des policiers. Voila Afin de nos faits. », resume L’univers.

L’histoire a des allures de faits plusieurs comme on en recense des centaines chaque annee. Mais derriere cette dispute de couple qui degenere se cache une violence une vie quotidienne :

« Alexandra avait 17 ans, elle est en toute premiere, au lycee, Di?s Que elle a eu Marcelino, votre Gitan sedentarise, de quatorze ans le aine. Elle est tombee amoureuse, a claque la porte de chez sa mere qui ne l’aimait guere et rompu avec son pere qui etait en colere. Deux mois prochainement, elle s’est mariee, le premier des quatre enfants reste ne et Alexandra Guillemin a renonce a passer son bac. Le reste reste 1 long calvaire. Une epouse que l’on viole, frappe, insulte et humilie. Que l’on menace lorsqu’elle murmure des confidences a sa s?ur au portable ou cherche a voir son pere. Que l’on epie quand elle tente de se confier a l’assistante sociale. Que l’on ecrase et engloutit. Au XXI e siecle, dans une ville francaise, une ombre dans une caverne. »

Alexandra reste donc plus que votre femme qui a ote la vie a le mari. Alexandra reste, malgre i§a, le symbole de l’ensemble de ces jeunes filles humiliees chez elles, honteuses sur la place publique. Ces dames a qui l’on a enleve toute ombre de dignite. Celles qui vivent dans la terreur, dans le tremblement de leurs sanglots. Et dans la peur d’etre incomprises, et encore plus en danger, si elles osaient lever la voix Lorsque l’on leve la main sur elles.

« Papa est mort, on ne sera plus frappes »

Alors quand est venu le tour de Luc Fremiot de perdre a J’ai barre, l’avocat general a choisi de re-contextualiser le meurtre, de apporter les cles pour comprendre la terreur dans laquelle Alexandra vivait :

« Mon devoir est de rappeler que l’on n’a nullement le droit de tuer. Neanmoins, je ne peux nullement parler de votre geste homicide sans evoquer ces mots des enfants : ‘Papa est mort, on ne va etre plus frappes’. ‘Papa, il est mechant’. ‘Avec nous, il se comportait en gali?re, mais c’etait pas grand chose compare a votre qu’il faisait a maman’. On n’a gui?re le droit de tuer, mais on n’a gui?re le droit de violer non plus. D’emprisonner une femme et des enfants dans un caveau de souffrances ainsi que douleur.

Je sais la question que vous vous posez. ‘Mais pourquoi Alexandra Guillemin n’est-elle pas partie avec ses enfants sous le bras ?’ Cette question est celle d’hommes ainsi que femmes de l’exterieur, qui regardent une position qu’ils ne comprennent gui?re et qui se disent: ‘Mais moi, je serais parti !’ En etes-vous si entendu ? Ce que vivent ces femmes, ce qu’a vecu Alexandra Guillemin, c’est sa terreur, l’angoisse, le i?tre capable de de quelqu’un qui vous coupe le souffle, vous enleve bien courage. C’est aller Realiser les courses pendant cinq minutes, parce que celui qui vous envoie a calcule exactement moyen qu’il vous faudrait pour aller lui acheter ses bouteilles de biere. Et c’est a cette femme-la que l’on voudrait reclamer pourquoi elle reste restee ? Mais c’est Beyrouth que vous avez vecue, madame, Beyrouth dans votre corps, dans votre c?ur. Et vous, nos jures, vous ne pouvez pas la juger sans connaitre des blessures beantes qu’elle a en cette dernii?re. »

Car, si chaque affaire judiciaire a ses particularites, l’integralite des histoires de dames battues se ressemblent : la terreur empiete concernant la colere, la souffrance via la dignite. S’enfuir une maison ou essayer de survivre en permanence ? Et nos enfants ? Et s’il est impossible de se defaire du joug d’un homme ? Autant de questions noyees dans la peur et la honte d’une maltraitance tellement ritualisee que limite normalisee. Ce jour-la, apres le requisitoire de Luc Fremiot, les jures ont tranche : Alexandra a ete relaxee. La justice s’est humanisee.

Defi Afin de l’avenir

De la meme maniere qu’on aimerait ne plus entendre qu’une femme violee « n’avait qu’a mettre autre chose qu’une mini-jupe », il faudrait arreter de laisser penser que si elle n’ose claquer la porte, c’est que l’actrice battue l’a bien cherche.

Remettre nos choses dans leur contexte. Comprendre que dans des situations de faiblesse, reussir a etre logique reste un luxe. Admettre qu’il est beaucoup plus facile de rationaliser, commenter , juger… a l’exterieur qu’a l’interieur d’un domicile ou le geste violent est le seul mot Afin de s’exprimer. Et surtout, ne manquer aucun appel au secours. Puisqu’a l’heure ou ces dames battues seront une majorite silencieuse qui tait sa souffrance, une main courante posee dans la honte, c’est deja un debut de breche vers plus de justice.